Intervention de Dominique Geneste à l’occasion du séminaire « Femmes et Hommes : un même désir de travail » du G.R.A.A.M. du 13 mai 2011
A partir du cas que j’ai cité dans mon intervention le 13 mai, et exposé, je vais aborder le plan théorique :
Ce qui « confuse » et ce qui différencie, pour les femmes et pour les hommes leur relation au travail.
A partir du cas que j’ai cité dans mon intervention le 13 mai, et exposé, je vais aborder le plan théorique :
Ce qui « confuse » et ce qui différencie, pour les femmes et pour les hommes leur relation au travail.
Parfois la différentiation existe surtout pour les autres. (Les hommes, collègues et relations de travail.), comme dans le cas que je vous ai présenté.
Nous avons ici un cas clair du coté féminin, plus confus du coté de son environnement masculin.
J’avais décrit le parcours d’une femme, devenue très jeune chef d’orchestre, et ses commentaires sur les difficultés qu’elle avait rencontrées dans un milieu masculin quasi exclusivement. Ce qui soulève toutes les questions sur les projections des « représentations » des représentants des deux sexes.
Pour ce Sujet (féminin), le Désir de travail s’exprime nettement et sans ambiguïté, on est devant un cas de désir de travail clair et bien identifié.La question que pose aux hommes l’identité sexuelle de la femme que j’ai présentée vient contrecarrer l’expression professionnelle de celle ci. Brouiller les pistes, perturber les relations.
C’est que derrière la notion de genre, question apparemment simple, avec les particularités physiques évidentes (elles même accentuées par les codes vestimentaires) s’agitent, se jouent bien des fantasmes…. ;
Les fantasmes autour de l’identité sexuelle au travail sont parfois très rigides pour certains, en l’occurrence, ceux d’hommes habitués à se définir entre eux, sans intervention féminine.
Première hypothèse proposée par Roland Guinchard ; On pourrait supposer un rêve homosexuel que les femmes viendraient gâcher.
L’hypothèse que je propose je postule une défense fantasmatique, et masculine et féminine, qui font camper les femmes et les hommes sur des positions qui n’ont rien de rationnel .Des positions inconscientes et peu accessibles au raisonnement, et ces positions inconscientes déterminent les modes relationnels et les postures dans le monde du travail.
La femme dont je vous ai parlé est dans une position claire par rapport à son désir.
Ce qui n’est pas toujours le cas.
Et la question de la maternité ? Elle peut confuser la relation au travail, parfois, (et même souvent), étant partie importante aussi d’une identité dite sexuelle. La part n’est pas facile à faire entre les facteurs sociaux, sociologiques, et ce qui revient à la singularité de chaque parcours.
Dans le cas présent, le rapport à la maternité a été liant, favorisant l’harmonisation des différentes images du Moi, et permettant à cette femme de trouver une autre posture.
Comme quoi, parfois, la part dite féminine, en tout cas l’image du Moi qui revêt les couleurs dites féminines, peut aider à un moment de la carrière.
Mais on peut constater tous les jours qu’il est difficile pour les femmes de concilier les différentes images de la féminité et d’accéder à leur désir professionnel. Dans le cas que j’ai exposé,
Sous la pression des Autres, (l’attente supposée des Autres) les collègues, tous des hommes pour cette femme chef d’orchestre, les images se mélangent. Le regard des collègues hommes la désigne différente, la voudrait différente de ce quelle met en scène et la stigmatise.
Je dis que le destin professionnel des femmes se lit mieux si on peut analyser le rapport à la menace qu’elles introduiraient, la menace qu’elles seraient supposées porter dans le monde professionnel. Il s’agit d’une menace fantasmatique bien sur, (même si la rivalité n’est jamais absente consciemment) aux yeux des hommes qui ont investi l’univers économique (avant les femmes). Dans le cas présenté, l’environnement professionnel décrit, celui de la musique, est comme réservé aux hommes, Il met en lumière, comme avec une loupe grossissante, le phénomène que j’évoque.
Mais les freins imaginaires sont partagés : si on élargit la question, il y aurait une défense fantasmatique chez tout le monde, donc, et féminine et masculine, qui fait camper les unes et les autres sur des positions convenues, dans la relation à l’autre du travail. Comme si une « Nature » venait déterminer les rôles, comme par du pré-packagé.
Ma conclusion :
Je propose la chose suivante :
Peut être n’existe-t-il pas de séparation radicale dans le Désir de travail, au plan pulsionnel, entre femmes et hommes ?
Ce qui ne postule pas qu’il y ait du semblable au lieu de la différence. Je tiens pour certaine et irréductible une différence entre les êtres humains, pas forcément entre les hommes et les femmes, la différence ne réside pas dans le genre…
Proposition qui ne va pas tant que cela de soi ….
Ce n’est pas là qu’est un pivot essentiel des divers destins de la pulsion de travail à mon sens.
D’ailleurs, dans le cas que je vous ai cité, cette femme s’identifie à son père, et non à sa mère. (Et on peut la comprendre, au vu de la valorisation sociale) pour ce qui est du travail.
Au cours de chaque enfance, les cartes s’agencent selon un ordre singulier, dans un jeu croisé des identifications, au masculin et au féminin, avec des propositions non identiques entre les Sujets.
Pour reprendre le cas cité, ce qui vient compliquer l’existence de la femme qui a décidé d’être chef d’orchestre (on notera au passage le nom du poste, genre masculin), c’est le regard professionnel des autres, les hommes.Le poids du regard « des autres » l’oblige à changer une des ses images du Moi. Son image du Moi au travail.
Sur la question de la différence de sexes, il existait, et subsiste, comme un consensus sur les natures féminines et masculines. Ce consensus inconscient qui sécurisait et sécurise encore. Consensus légèrement bousculé, aujourd’hui, mais pas tant que ça au fond. Ca inquiète et c’est compréhensible… se redéfinir, pas si facile…
C’est un consensus défensif, partagé, je le répète, par les hommes, et les femmes.
Comment au plan Imaginaire, une bonne part de l’identité professionnelle se construit ?
Avec pour partie l’identité sexuelle, sorte de costume qu’on revêt pour aller à la rencontre des autres, le costume de l’emploi, socialement attendu. Costume dont chacun s’affuble pour préserver sa sécurité existentielle.Ca fait rempart aux angoisses fondamentales, et à celle de castration notamment.
Cette limite rassure et assure qu’on existe bien, puisque différent.
Et la différence bien visible, incontestable, entre les êtres humains, la différence sexuelle, au fond escamote et masque la différence de l’histoire singulière, celle des signifiants qui représentent le Sujet (pour d’autres signifiants) sans qu’il en sache grand-chose. Ce qui inquiète encore une fois.
Il est plus facile pour se rassurer de croire posséder une identité sexuelle déterminante, que de chercher à trouver son Désir de travail. Même si ça bouche, (fait office de bouchon) la démarche est plus évidente que trouver un axe de recherche en tout cas, pour se rapprocher de la nature du Désir qui nous traverse, ce Désir qui ne nous appartient pas mais qui demande à s’exprimer .Et bien c’est difficile, c’est angoissant.
L’angoisse est partagée par tous.
Pou conclure, je dirais :
La différence oui, mais pas là où on la situe, n’est pas là ou on l’attend. Différence pas tant entre les sexes, que directement entre les Sujets (du désir), mais c’est beaucoup plus difficile à définir alors.
Au G.R.A.A.M. De travailler dans cette voie ….